Si avec ce blog je prône depuis toujours de bannir les
à-priori en matière de cinéma et de juger sur pièces, il m’arrive à moi-même
d’avoir des à-priori, et de passer à côté de pépites. Après tout, personne
n’est parfait, mais quand on connaît bien ses propres goûts, il est souvent
difficile de passer outre. Pour bien comprendre pourquoi je ne découvre que
Kingsman : Services Secrets maintenant, il faut remonter à mon à-priori
initial, celui qui lie ce film à Kick-Ass du même réalisateur, les deux œuvres
étant régulièrement et justement comparées d’ailleurs. Il faut dire que je
n’avais pas été franchement convaincu par le dénommé Kick-Ass vu par hasard sur
une chaîne ciné du bouquet CanalSat, trop mou, sans aspérités, pas assez
d’action, pas assez de ceci ou cela, pas spécialement drôle… Je suis passé à
côté du film débridé de Matthew Vaughn et je ne pense pas revenir sur mon avis
un jour. Aussi quand Kingsman : Services Secrets a débarqué sur nos écrans
en février 2015, je ne me suis pas laissé tenter, surtout que les rapports
à Kick-Ass fusaient. On m’en avait pourtant dit beaucoup de bien mais à chaque
fois que je demandais « mais c’est dans le style de Kick-Ass
non ? », on me répondait par l’affirmative, ce qui n’émoustillait pas
ma motivation. Foutu pour foutu, je comptais tout de même juger sur pièce un
beau jour, le jour où justement il tomberait sur les chaînes du bouquet
CanalSat, ou le jour ou une bonne promo sur les Blu-Ray me permettrait de
pouvoir m’y mettre dans de bonnes conditions (z’avez vu comment je suis un vrai
de vrai alors qu’aujourd’hui trouver un film en streaming est accessible à tout
quidam en trois clics), et il va s’agir de bannir les à-priori initiaux pour
tomber peut-être sur une tuerie. Après tout, quand on a un à-priori négatif, on
ne peut qu’être surpris… ou souvent conforté (ce qui donne en général des
commentaires puant la mauvaise foi sur les réseaux sociaux). Alors, est-ce que
Kingsman : Services Secrets va botter des culs mieux que Kick-Ass ne
l’avait fait ?
Dans les années 90, lors d’une mission d’espions
britanniques, un des leurs est tué par négligence du pourtant
excellent Harry « Galahad » Hart (Colin Firth). Celui cherche à
aider la famille du défunt mais ne reçoit en réponse que le rejet de la veuve. Hart
remet donc un médaillon au jeune fils de l’agent décédé, Eggsy, censé lui
apporter aide quand il en aura besoin. Des années plus tard, Eggsy (Taron Egerton)
est devenu un jeune désabusé, constamment emporté dans des situations
compliquées et des bagarres à cause des mauvaises fréquentations de sa mère.
Mais il a pu acquérir une certaine débrouillardise. Arrêté par la police après
un rodéo urbain, il se décide à contacter les agents par le biais du numéro
inscrit sur le dos du médaillon qu’il a précieusement conservé. Hart lui vient
alors en aide, et, tout en lui racontant l’histoire de son père, lui propose de
rejoindre les Kingsmen. Eggsy est alors soumis à une rude concurrence pour
rejoindre le groupe d’espions, il est en effet en compétition pour devenir le
nouveau « Lancelot », le précédent ayant été tué en essayant de
sauver un scientifique pris en otage. Et le temps presse car l’énigmatique Richmond
Valentine (Samuel L. Jackson), milliardaire futé et excentrique intéressé par
les conséquences du réchauffement climatique, est surveillé de près par les
Kingsmen…
A vrai dire, ce que je craignais de Kingsman :
Services Secrets, c’est qu’il soit trop bavard et finalement assez avare en
action, ce qui était le cas de Kick-Ass d’ailleurs. Le film s’offre alors une
lente mise en place, ce qui est finalement logique par rapport à l’histoire,
mais l’action n’est pas spécialement au rendez-vous, si ce n’est la première
véritable scène palpitante qu’est la bagarre spectaculaire dans le bar, assez
largement montrée dans les bandes-annonces d’ailleurs. On suit alors les débuts
d’Eggsy au sein des potentiels Kingsmen, d’ailleurs avec le décorum en forme de
pensionnat, on se croirait presque dans X-Men : Le Commencement, justement
réalisé par Matthew Vaughn… On est presque à mi-chemin entre un film où l’on
suit des jeunes en compétition pour montrer leurs talents (presque une
« origin story »), un peu à la manière d’un La Stratégie Ender
finalement, et un film à parlotte Tarantinesque incisive à tout bout de champ,
ce qui est revendiqué par l’accroche promo à l’arrière du Blu-Ray d’ailleurs.
Plus bavard que drôle, Kingsman : Services Secrets tombe donc dans les
travers que je lui imaginais en tant que « Kick-Ass qui se base sur des
agents secrets plutôt que des super-héros », même si l’on se laisse
prendre au jeu de l’histoire qui met lentement mais sûrement ses pions en
place. Il faut donc attendre, en compagnie des personnages, que ça
« pète ». Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que l’attente valait
le coup. Et dans un dernier tiers, Kingsman : Services Secrets dévoile
enfin tout le potentiel qui était enfoui dans ses promesses.
Ce qui n’était jusque là qu’un film gentiment saignant et
un brin vulgaire retenait sa folie pour mieux la libérer ensuite. Et dans ce
fameux dernier tiers qui démarre à partir de la scène de l’église,
Kingsman : Services Secrets va partir dans la plus absolue dinguerie,
explosive et sans gêne (visuellement comme au niveau des dialogues). L’histoire
s’emballe et les soubresauts vus dans les deux premiers tiers du film vont
amener toute la fine équipe derrière ce film à se lâcher et à hacher menu.
Entre combats hyper nerveux sacrément bien chorégraphiés et moments de pure
folie visuelle, Kingsman : Services Secrets s’offre une partie finale qui
dépote un max. Acteurs, Taron Egerton et Mark Strong en tête, s’en donnent à
cœur joie et Matthew Vaughn également, on sentait dès le début du film qu’il
avait les moyens de donner dans une mise en scène percutante et cartoonesque à
la Edgar Wright et il ne déçoit pas (en dépit d'effets spéciaux un peu moyens parfois). Kingsman : Services Secrets est donc
un film qui prend son temps, pour mieux surprendre ensuite et faire halluciner
son public devant une telle violence jouissive. Avec un scénario simple et bien
mené, des punchlines à retenir et une humeur irrévérencieuse très
communicative, et puis le l’Action pure et débridée à la fin, Kingsman :
Services Secrets finit par tenir ses promesses et mérite d’accéder au tout
puissant titre de Déglingue.
Kingsman : Services Secrets est aussi tenu par ses
acteurs aux performances inattendues et bluffantes. Taron Egerton, qui n’est
même pas cité sur le poster du film (!!!), en est bel et bien son héros, ce
jeune acteur est tout à fait excellent et on espère le revoir au sein d’un film
où il aurait encore plus d’importance (un film de super-héros ?). Puis
dans le genre contre-emploi, Kingsman : Services Secrets se pose
sérieusement. On attendait pas le Colin Firth du Discours d’un Roi dans un film
si osé, entre flegme britannique et combats d’agent secret surentraîné, son
rôle d’Harry Hart restera dans les mémoires. Et que dire de Samuel L. Jackson,
hilarant en personnage totalement nawak, génie milliardaire maladroit et peureux
sapé façon Snoop Dog et qui zozote. Là aussi c’est la déglingue ! Mark
Strong, qui ressemble toujours autant à un Stanley Tucci plus grand, joue
habilement son rôle sérieux de Merlin qui, comme tout le monde, sort bien de
ses gonds sur la fin. Du reste, un bémol sur Michael Caine qui fait trop du
Michael Caine et ne sert un peu à rien. Mention spéciale en revanche à Sofia
Boutella, bien en vue dans le rôle du bras droit (et jambes d’acier) de
Valentine, dans un autre registre que le rôle qu’elle aura dans Star
Trek : Sans Limites… On s’arrêtera sur la jolie Sophie Cookson (Roxy) mais
aussi un invité de marque, Mark « Luke Skywalker » Hamill, forcément
méconnaissable au premier abord (si ce n'est sa coupe de cheveux) dans le rôle du scientifique kidnappé, qui a
tout de même un rôle un poil plus conséquent que ses 8 secondes à la fin de
Star Wars : Le Réveil de la Force (c’est plus un spoiler, vous l’avez tous
vu depuis le temps hein ?).
Un léger bémol sur la musique pour une fois, un peu
répétitive et le thème principal me semble un peu trop proche de celui
d’Avengers. Alors bien sûr, dans le monde actuel du ciné ou les séquelles sont
légion et que la plupart des « nouveaux » sont amenés à être des
super intros pour une saga au cas où ça marche, Kingsman : Services Secrets
ne déroge pas à la règle et sa grosse première partie peut amener à soupirer un
peu. A la manière de Deadpool, trop centré sur l’origine du personnage en
oubliant de tartiner, pour mieux se révéler dans un 2 ? On attendra là
aussi un 2 mais le début de Kingsman : Services Secrets '1' est au moins
sympathique et ici, en deux heures à l’écran, Matthew Vaughn n’a pas lésiné à
la fin pour dégobiller et cartonner un max dans une joyeuse hystérie. On
introduit, on présente les personnages, on les fait évoluer, on enveloppe le tout
dans une histoire bien huilée et bim, à la fin on lâche la purée. Matthew
Vaughn et sa fine équipe ont tout compris au film osé, retenu avant d’être
dynamique et explosif, volontairement sanglant et vulgaire donc non-aseptisé, à
la manière de Kick-Ass forcément mais en mieux, bien mieux même. J’ai failli
être déçu car au début j’ai eu le droit à exactement les défauts que
j’attendais, mais sur la durée Kingsman : Services Secrets m’a mis une
belle claque. Voilà pourquoi il ne faut jamais laisser les à-priori se dicter
ses visionnages parce qu’il y a tel réalisateur, que c’est proche de tel ou tel
truc que-j’avais-pas-aimé-donc-j’ai-pas-envie, même si finalement la surprise
n’en est que plus belle à la fin. Une jolie dinguerie au bout, qui se paye le
luxe d’être un des films les plus couillus et enthousiasmants sortis ces
derniers temps. Ce n’est pas à ses manières passées qu’on juge la filmographie
d’un réalisateur…
Note : 8/10
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire