vendredi 7 juin 2013

Pop Redemption

On ne rigole pas avec le Metal. Oui que voulez-vous dans ce monde de puristes il est difficile de demander à certains publics de faire l’effort d’analyser un autre regard sur une scène culturelle. Pop Redemption a tout pour faire jaser, c’est pourtant le premier film français qui met le Black Metal à l’« honneur ». Mais Julien Doré, les « bobos » de Canal+… forcément ça a du mal à passer. Le fait que le Hellfest ait été impliqué dans le processus du film attire néanmoins de la sympathie, tout au moins de la curiosité, au minimum une véritable référence qui tient la route. Car pour ce qui est des références, on va en reparler… Bref, décrié et jeté en pâture bien avant sa sortie, Pop Redemption ne laissera pas les métalleux indifférents. Le genre Metal n’est pas fait pour la culture de masse et le revendique, surtout le Black Metal dont il est question ici. Certains aimerait voir plus de Metal à la télé, d’autres surtout pas parce que ça desservirait le genre. Foutu pour foutu, Pop Redemption va avoir la charge de présenter le Black Metal à ceux qui ne le connaîtraient pas encore. Un genre violent, premier degré, sataniste, renfermé sur lui-même et obtus. Enfin tout ça n’est que cliché et exagération, pourtant c’est bien ce qu’on peut attendre sur l’écran dans pareil film, car qui dit cliché dans une comédie dit exploitation à fond… hélas.

Les Dead Makabés est un groupe de Black Metal français, existant depuis une quinzaine d’années apparemment. Avec Alex (Julien Doré) au chant, Erik (Yacine Belhousse) à la guitare, JP (Grégory Gadebois) à la basse et Pascal (Jonathan Cohen) à la batterie. Comme tous les étés, le groupe s’apprête à s’embarquer pour une tournée, cette fois en Roumanie et même en Ukraine. Mais les membres du groupe à l’exception d’Alex, très impliqué dans son univers de Black-Metalleux, sont rattrapés par les soucis de la vraie vie et songent à raccrocher. C’est à ce moment qu’Alex leur annonce que les Dead Makabés ont été programmés pour le Hellfest, en remplacement d’un groupe de Black-Metal qui a annulé (Satanic Warmaster ou Impaled Nazarene sans doute) et que « il n’y a pas 36000 groupes de Black-Metal en France » (ah bon ?). Le groupe prend donc la route, mais va s’attirer des ennuis suite à un concert donné à la hâte dans une boîte de nuit pas préparée à recevoir tel genre de groupe. Poursuivis par le patron de la boîte (Arsène Mosca), les Dead Makabés vont provoquer un accident et tuer involontairement ce premier. Obligés de fuir avec la police locale et la section de recherches à leurs trousses, les 4 membres du groupe vont pourtant tenter de rallier le Hellfest sous l’impulsion de Alex, voulant à tout prix faire un dernier concert… et vont devoir usurper l’identité d’un groupe de pop convié à la « fête de la fraise »…

Dead Makabés Promoshoot 2013 © DR

Etant moi-même un métalleux qui écoute du Black, je me devais donc d’aller voir Pop Redemption pour l’analyse. Evacuons tout de suite le point qui dérange les métalleux, à savoir « ça va nous faire passer pour des gros beaufs satanistes ». Hélas, c’est le cas, le cliché du Black-metalleux obtus a ici bon dos. Mais ce sont des clichés poussés à bout et n’importe quel métalleux s’en rendra vite compte, surtout que le tout est centré sur le personnage d'Alex car ses comparses veulent eux rester « normaux ». Seulement les spectateurs qui vont voir ce film non pas pour le Metal mais pour le reste, et iront voir Pop Redemption pour la comédie avant tout, auront bien vite d’associer les Dead Makabés à l’ensemble de la scène Metal (et pas seulement le Black) par manque de culture. Culture qui est le fonds de commerce totalement oublié, occulté, traité approximativement et superficiellement par le film. Si une explication succincte de l’histoire du Metal extrême est réalisée à un moment du film par la fille -Métalleuse rebelle comme de bien entendu- de la flic Martine (Audrey Fleurot) juste pour la caution « le Metal expliqué aux nuls pour que vous comprenez quand même un peu », on ne peut pas dire que la culture Metal soit mise en avant par le biais de références. C’est bien simple, on a l’impression que Pop Redemption se déroule dans une dimension parallèle à la nôtre, où le Metal et le Black Metal en particulier n’auraient ni la même définition, ni la même importance. Mais le Hellfest existerait quand même. Le coup du « y’a pas 36000 groupes de Black Metal en France » me fait toujours autant tiquer et fait passer le genre pour un truc tellement underground que rien ne ressort, alors que ce n’est pas vraiment le cas. Il y a également bien peu de considération pour le Hellfest qui est un festival tout de même très gros qui ne programmerait jamais à l’arrache un groupe de sombres inconnus. Le Hellfest sert d’apparat pour la caution métallique du film, même si son usage est plutôt fait à bon escient dans le scénario. Donc pour les références et les noms, on repassera alors qu’il y aurait eu moyen de faire quelques clins d’œil sans tomber dans l’humour trop référencé. Les « vrais » noms sont juste mis en avant par le biais des posters de la chambre de Julia (Délia Espinat-Dief), et Gorgoroth sert de simili portrait-robot pour les Dead Makabés fuyards. Il y a aussi des patches mais il faut avoir l’œil… et au final comme « noms » il n’y a que les Dead Makabés, et un personnage inventé nommé « Dozzy Cooper » (diantre…) qui ne ressemble à rien (un mélange improbable entre un vieux Hard-Rockeur et un Black-Métalleux), et… le Hellfest qui semble bien perdu au milieu de cet univers Metal bien trop léger et approximatif par rapport à la réalité.

Mais Pop Redemption reste une fiction et également une comédie, donc ça peut passer après tout. Une comédie bien franchouillarde, presque « à l’ancienne » et à prendre pour argent comptant. On rit un peu mais pas énormément sur un scénario résumé dans la bande-annonce qui ne réserve aucune surprise, et qui comprend quelques longueurs d’ailleurs. Les 4 membres des Dead Makabés tirent leur épingle du jeu, notamment Julien Doré qui mine de rien, assure dans son rôle de leader agressif et obtus de groupe de Black-Metal, et Grégory Gadebois qui possède une bonhomie fort sympathique. Les pérégrinations de ces branquignols Black-Métalleux sont donc agréables à suivre mais ça ne va pas chercher bien loin. La rédemption vers la pop ne dénigre pas non plus le Metal au bout, vu qu’à la fin les deux styles se mélangent de façon explosive, malgré quelques scènes qui ne servent à rien et sèment un doute inutile (notamment lorsqu’Alex se retrouve à faire le choriste dans une messe d’enterrement de son plein gré). Les beumeux s’amusent et puis on en sourit, et le film ne cherche pas à faire la morale aux métalleux plus que de raison. En revanche, Alexandre Astier lui ne sert absolument à rien, si ce n’est faire du cabotinage et faire placer quelques références à Kaamelott (dont l’inévitable « c’est pas faux »). C’est sûr qu’il était plus intéressant de faires des références à Kaamelott plutôt qu’au Metal qui est quand même le sujet principal du film… Outre des autres rôles corrects (dont Audrey Fleurot), on notera la présence de Steeve Petit, chanteur du groupe Zuul FX, qui tient un petit rôle savoureux d’organisateur du Hellfest, en plus d’avoir coaché les acteurs qui forment les Dead Makabés.

Mais même s’il est un film fondamentalement bucolique et sympathique, Pop Redemption est tout de même globalement passé à côté de son sujet. Il est sûr qu’il était difficile de faire de l’humour référencé avec un genre musical peu adopté par les masses, mais il n’était pas non plus nécessaire de l’occulter totalement, pour laisser place à un dropping de clichés sur la branche Black-Metal forcément critiquable et drôle à ses dépens (les pentacles, les paroles incompréhensibles, la profanation de cimetière pendant l'adolescence (sic), la fausse mutilation dans les concerts qui n'a guère eu lieu qu'avec Mayhem en 1992...). Bref, ce n’est pas un film sur le Metal, c’est un film avec des métalleux dedans (et leur festival favori). Et les non-métalleux auront du grain à moudre pour se foutre de leur gueule, que ça soit dit. Même avec une bonne dose d’autodérision, il n’est pas dit que le vrai métalleux se laisse faire par ce qui est montré dans Pop Redemption, car les Dead Makabés ne sont qu’une exagération volontaire, ce qui ne sera hélas pas évident pour tout le monde, surtout lorsqu'on se place dans une perspective purement franco-française friande de jugements à l'emporte-pièce et d'amalgames. C’est triste et les puristes vont hurler, ce film n’étant définitivement pas fait pour des métalleux trop sérieux, en revanche ceux qui ont pris du recul ne seront pas touchés le moins du monde. Pour le reste et en ce qui me concerne, Pop Redemption atteint tout juste la moyenne car ça reste une comédie franchouillarde de derrière-les-fagots avec ses qualités et ses défauts. Mais le fait d’être passé à côté de tout un pan de la culture Metal me désole. Heureusement il n’y a rien de bien méchant et Pop Redemption ne fait pas passer le Metal pour un genre ringard et désuet, mais il ne l’honore pas pour autant, et n’essaie même pas de le rendre sympathique ou de le désacraliser un peu, ça parle d’un groupe de Black-Metal qui veut aller au Hellfest et qui doit se faire passer pour un groupe de pop, et puis voilà. Je ne vais pas jeter la pierre à l’équipe de Martin Le Gall, ce n’est pas un documentaire sur le Metal, mais même pour une comédie avec le Metal et le Black-Metal comme sujet c’est un peu décevant et les rires appuyés sont rares, seuls les personnages sont attachants et quelques situations « typiques » marrantes feront rire les musiciens. Mais c’est bien maigre et Pop Redemption est un film qui manque de blasts…
Note : 5/10

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